La Chapelle de Baillarguet

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     On était en septembre, au milieu des années quatre-vingt-dix.
Nous avions des vélléités d'acheter une maison du coté de Montferrier.
Comme je ne trouvais pas mon bonheur, un agent immobilier me convainquit d'aller voir
un terrain qui n'était pas encore loti, sur une colline déserte : la Gleizasse, derrière celle de Baillarguet.

Presque au sommet, il restait une ruine dont j'appris bien plus tard que c'était les restes d'une église importante du XI ème siècle.
"Gleizasse" signifiait "église" et non "glaise", comme je l'avais imaginé un moment en constatant que le sol était assez argileux par endroits...
Pour l'heure, je pataugeais dans la gadoue, il avait beaucoup plu les jours précédents et nous tentions à deux,
de repérer approximativement les limites des lots à vendre, car il n'y avait pas de bornes. 

Le lot 10 n'était pas encore retenu...Il me plut d'emblée : son orientation plein sud, la vue sur la vallée, les nombreux pins d'Alep,
la garrigue brouillone qui sentait bon les chênes kermès, le romarin, le thym et les cistes collants.
Pour moi qui étais alors parisienne, les odeurs me transportèrent immédiatement en Corse, où nous avions fait notre voyage de noces...

Ce n'était pas facile de déambuler dans "ma future propriété". Il n'y avait pas eu de débroussaillage apparemment depuis longtemps.
On pouvait voir des traces de feux anciens sur quelques troncs de pins. Ce n'était pas facile non plus d'appréhender totalement le relief.
Le terrain était assez en pente, ce qui n'était pas pour me déplaire. 
On apercevait au dessus des chênes verts du fond, quelques toits de vieilles maisons en pierres. C'était Baillarguet.

Le soir, je fis à Bernard, qui sortait de longues réunions de travail, le compte-rendu de mes visites
et surtout le pressai de retourner à la Gleizasse. On escalada la colline et nous restâmes un long moment, plongés en conjectures.
L'idée nous vint d'aller visiter le hameau que l'on apercevait entre "nos arbres".
On y accédait depuis "chez nous", par un chemin de terre étroit et cahoteux, que nous avions d'ailleurs emprunté à l'aller.
Il n'y avait pas encore de route.

Nous arrêtâmes la voiture sur un terre-plein après deux ou trois centaines de mètres seulement 
et entrâmes à pied dans la seule ruelle tournant en boucle au milieu des quelques maisons.
Nous passâmes devant en les frôlant, presque génés, dans un silence intimidant et reposant.
je me souviens des pots très nombreux remplis d'aloès et des sculptures jalonnant les abords de la première habitation.
Cela signifiait très certainement la présence d'un artiste...Le lieu me plaisait de plus en plus.

On arriva en quelques pas à une mini chapelle adorable, quasi de style roman et  point d'orgue du hameau. 
La porte était fermée à clef. On visiterait une autre fois ...
De là, la vue était superbe : le bourg de Montferrier à droite, la forêt en face et les champs de tournesol en bas.
Je me rappelle que j'argumentais sans cesse pour partager mon enthousiame avec Bernard.

Ce fut à ce moment précis, je crois, que nous décidâmes d'acheter notre bout de garrigue.
C'était un coup de foudre. Il ne fallait pas résister. On ne pouvait pas se tromper.
Comme en amour, c'est si bon de succomber...

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